J'ai vu l'expo Amazonia à la Philharmonie de Paris aujourd'hui
Je suis un admirateur de l'oeuvre de Salgado jusqu'à "Exodes" inclus
et je n'ai jamais vraiment compris les critiques dont il a fait l'objet sur l'esthétisation de la misère ( enfin, je les comprends mais je les trouve fausses, mais c'est un autre débat)
mais je suis régulièrement déçu depuis Génésis par un rendu tape à l'oeil.
Le livre "Gold" récemment édité cher Taschen fait subir à des images formidables précédemment publiées dans "la main de l'homme" un traitement HDR qui leur enlève toute saveur. Il suffit d'ouvrir côte à côte "Gold" et "La main de l'homme" sur une même image pour que la différence, la perte, saute aux yeux.
Dans Amazonia, les grands panneaux en suspension, représentant des paysages amazoniens vus du ciel sont hyper fouillés au point d'en être agressifs pour l'oeil.
Même si je m'attendais à pire, et je conçois que pour des spectateurs nés à l'image avec le numérique, celà ne soit pas flagrant, les images sont comme des écrans TV 4K grand format qu'on regarderait à 50cm. Imaginez du verre pillé, collé sur un grand panneau, sous un spot de lumière dirigé et vous aurez l'impression que l'on ressent devant ces posters.
Je peux comprendre les contraintes d'un projet de cette ampleur et l'utilisation du numérique.
Quand, pour des raisons de marketing, Salgado expose dans le métro en même temps qu'à la philharmonie, le mec qui rentre chez lui en RER après une journée de boulot passée devant un écran d'ordinateur a besoin que le poster de la forêt Amazonienne lui saute littéralement dessus pour le voir.
Les portraits d'indiens sont plus soft, et plus intéressantes mais , là aussi, les plus anciennes de 1998, réalisées en argentique , ont une profondeur qu'on ne retrouve pas sur les plus récentes.
Je feuilletais, juste après, "Réponses photo" où Salgado expliquait qu'il ne reviendrait jamais à l'argentique et que ses tirages numériques n'avaient jamais été aussi bons.
Puis deux lignes plus bas, il dit que les expos sont tirées en numériques, mais que pour les collectionneurs, il n'y a que les tirages barytés argentiques ou platine qui vaillent.
Tu m'étonnes Charles, les collectionneurs sont, eux, encore capables de faire la différence, et pour eux les tirages numériques ne sont pas aussi bons que pour le vulgaire pékin qui va voir les expos.
Dommage, je me souviens des expos "La main de l'homme" et "Exode" alors que j'ai déjà presque oublié celle-ci.
J'ai visité juste après l'expo Marc Riboud au musée Guimet. Tout en argentique, tirages d'époque ou récents (par Thomas Consani chez DUPON) et là l'énorme différence c'est que c'est vous qui rentrez dans l'image et non l'image qui vous agresse. Il y a une texture et une épaisseur de la matière photographique dans laquelle votre oeil se promène, quand il reste à la surface d'une image d'imprimerie amazonienne.
Salgado dit dans "Réponse Photo" qu'il va prendre sa retraite et ré-éditer des reportages anciens, en particulier "Autres Amériques" que les contraintes d'édition avaient limitées à 50 images.
J'adore ce livre, je lui trouve une poésie et une sensibilité magnifique, alors par pitié, qu'il refasse faire des tirages papier et qu'il ne scanne pas ses négatifs pour les traiter sur PS comme avec Gold!!!